Aux portes des Annapurnas
Notre rutilante Royal Enfield craque au premier coup de kick et son grondement rauque et singulier sonne comme la promesse d’une aventure unique ! En sortant de Pokhara nous longeons le lac Phewa, étincelant aux rayons du soleil matinal, et bientôt la route sinueuse nous propulse sur une crête d’où nous découvrons la majestueuse silhouette du Machhapuchhare, culminant à 7000m d’altitude. Les kilomètres s’enchainent, l’asphalte laissant parfois place à la piste rocailleuse, et le sentiment de quitter la civilisation pour des contrées toujours plus sauvages nous envahit peu à peu. Courte pause dans un village traditionnel Gurung, ethnie montagnarde d’origine tibéto-birmane, où nous avalons un excellent dal-bhat, plat typique népalais composé essentiellement de lentilles et de riz. Les villageois s’affairent dans les cultures en terrasse, transportant sur leur dos les céréales et le bois dans d’immenses paniers d’osier appelés doko. En traversant Beni, grosse bourgade surplombant la rivière Kali Gandaki, l’excitation monte d’un cran : au-delà, le bitume disparait pour de bon et la vallée qui remonte plein Nord va nous emmener aux portes du Mustang ! Le tumulte de la rivière, éteignant presque la mélopée du moteur et les parois rocheuses abruptes surplombant la piste invitent à l’humilité. Deux heures plus tard, nous atteignons le village de Tatopani, connu pour ses sources d’eau chaude et ses quelques lodges appréciés des trekkeurs. La bière fraîche, dans le bassin de pierre où l’eau jaillit naturellement à 40˚, a une saveur exquise !
La Royal Enfield est faite pour prendre le temps, et au Mustang le temps suspend son vol. L’environnement impressionnant, ses sommets à plus de 8000m sont hypnotiques.
L’environnement se fait plus alpin, les forêts de conifères remplacent maintenant la végétation tropicale. Soudain la vallée s’élargit quand nous découvrons un panorama stupéfiant : les sommets du Dhaulagiri à l’Ouest et de l’Annapurna à l’Est nous dominent de toute leur démesure, 6500m au-dessus de nos têtes. A ce moment précis, bien qu’évoluant déjà à 1500m d’altitude, nous roulons dans la vallée la plus profonde de la planète ! Le paysage change encore, la palette des couleurs bascule vers l’ocre et le brun et la végétation se fait plus discrète lorsque nous atteignons Marpha. Splendide village médiéval à l’architecture tibétaine, il est dominé par un monastère qui semble taillé dans la roche. Les drapeaux tibétains multicolores flottant autour de nous entre d’imposants chortens ne trompent pas : nous sommes entrés au Royaume du Mustang !
Prêts pour la grande aventure ?
Nous attaquons l’ultime étape de notre ascension : 2km de dénivelé dans un univers minéral digne d’un film de science-fiction, pour atteindre le sanctuaire mythique de Muktinath, haut lieu de pèlerinage hindou situé à près de 4000m d’altitude. La piste remonte le long de la rivière Kali Gandhaki, dont le lit s’est nettement élargi depuis Jomsom et s’apparente maintenant à un vaste canyon désertique. Les maisons traditionnelles blanchies à la chaux rappellent que la vallée est toujours habitée. Les champs de céréales verts tendres contrastent avec l’aridité lunaire des paysages. Les lacets s’enchainent, notre petite Enfield donne de la voix, imperturbable, et nous sommes gagnés par un intense sentiment de liberté. A mesure que l’horizon s’élargit, un panorama grandiose apparait, embrassant les montagnes à perte de vue. Nous atteignons exaltés le village de Jarkhot. Perché sur un éperon rocheux, ce village séculaire est orienté plein Ouest, nous assistons ce soir-là, depuis le toit de la vieille bâtisse traditionnelle où nous logeons, au plus féerique des couchers de soleil. L’horizon entier s’embrase dans l’atmosphère raréfiée en oxygène, depuis les reliefs lointains du Tibet jusqu’aux sommets enneigés des Annapurnas, tellement proches qu’on croirait pouvoir les toucher. Un froid intense s’installe avec la nuit, mais nous trouvons de quoi nous réchauffer dans la grande cuisine de la maison, qui fait un peu office de cantine où travailleurs saisonniers, voisins et voyageurs de passage se retrouvent au coin du feu. En redescendant, par le village de Kagbeni, nous apercevons le check-post qui marque l’entrée au Haut-Mustang. Nous nous mettons à rêver de notre prochain voyage moto au Népal : pourquoi ne pas monter avec nos Royal Enfield jusqu’au royaume de Lo Manthang ? A suivre…
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Sophie Squillace / Vintage Rides
Crédits photos : Léo Fvy
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