La suite et fin du riche récit de Laurent Goudet. Vous pouvez retrouver la première partie ici.
Les rencontres se multiplient entre les habitants et les membres du groupe. Souvent inopinés, ces moments privilégiés illustrent le formidable accueil du peuple ladakhi. A la faveur d’un pépin mécanique, des discussions par les gestes et le regard s’engagent avec des ouvriers de chantiers, des paysans, des grappes d’enfants. Grâce à la moto, le rapport est d’emblée favorable, les gestes de la main, les sourires étonnent. Je découvre alors l’effet magique de la moto grâce à laquelle le contact est tellement plus facile et naturel. « La moto est un formidable moyen de découvrir une culture, explique Guillaume, motard chevronné qui a parcouru l’Afrique de l’Ouest au guidon de sa moto enduro. Avec la moto on peut aller au fond des choses et des connaissances. » Comme à chaque Fois, Guillaume et sa compagne passagère ont eu la bonne idée d’apporter des vêtements destinés aux habitants.
Le hasard fait parfois bien les choses. Dans cette Transhimalayenne de la saison 2014, l’étape de Leh revêt une force supplémentaire due à la présence du Dalaï Lama. Cette ville d’histoire, ancestrale étape de la route de la soie, a été pendant plusieurs semaines le lieu de résidence du chef spirituel des tibétains à l’occasion de son 79ème anniversaire. Impossible de passer à côté, d’énormes pancartes le long de la route annoncent cet événement. Le groupe de motards arrive dans une ville en effervescence. Pendant un temps devenue la capitale du monde bouddhiste, des moines tibétains du monde entier s’y sont donné rendez-vous pour entendre les messages de paix du leader. Sur les routes, on croise des centaines de personnes en tenues traditionnelles venues à pied écouter la parole sacrée lors d’auditions publiques.
Dans un voyage, il faut savoir faire des pauses. L’une d’elles marque les esprits à jamais : la visite du monastère de Hermis.Le voyageur a tout le temps de découvrir le plus grand monastère bouddhiste du Ladakh. Il peut circuler entre les moines qui prient, psalmodient et chantent. Accompagnées par des instruments acoustiques, l’ambiance devient mystique. On est saisi par cette atmosphère vibrante et spirituelle, on se surprend à joindre les mains à se mettre en tailleur et parfois fermer les yeux. De là à commencer à léviter dans les airs, il n’y a qu’un pas. Assister à ce rite ancestral est l’un des privilèges rares qu’offre cette Transhimalayenne.
Des pauses s’imposent aussi lors du passage de cols qui culminent régulièrement à plus de 5 000 mètres. A chaque fois, le groupe s’arrête pour prendre le temps de se recueillir et de se prendre en photo dans ces endroits sacrés pour les Tibétains. On ne peut qu’admirer les pierres érigées en colonnes mais aussi les drapeaux de prières. Ces pièces de tissu multicolores, qui sont aussi des porte-bonheurs, sont omniprésentes dans tout le Tibet. On les trouve sur les ponts, au sommet des montagnes, à l’extérieur des temples. Certains motards n’hésitent pas à en fixer sur leur Royal Enfield. Une façon originale, et locale, de conjurer le mauvais sort. Selon les adeptes du bouddhisme tibétain, le vent qui souffle, caressant au passage les formules sacrées imprimées, les disperse dans l’espace et les transmet ainsi aux dieux et à tous ceux qu’il touche dans sa course.
Chaque jour apporte son lot de surprises et de claques durant cette Transhimalayenne. L’arrivée vertigineuse au lac de Tsomoriri fait partie des temps forts de ce périple. Durant des heures, les motards évoluent dans un paysage unique, un désert de haute montagne, paradis pour les amateurs de treks extrêmes. Avec un peu de sens de l’observation, on aperçoit des tombes de soldats indiens, morts lors de combat avec l’armée chinoise. Rappel brutal que la frontière avec la Chine n’est pas loin et que cette zone de l’Inde reste une région sensible. On y aperçoit des marmottes, des sortes de zèbres qui se mettent à galoper devant les motards. Des nomades font paître leur bétail.
Une fois passés de hauts plateaux désertiques, voilà que le lac apparaît. Une sorte d’hallucination visuelle que cette étendue d’eau turquoise qui semble posée par des dieux inconnus. Au loin des montagnes s’élèvent avec leurs cimes enneigées. Une sorte de vertige nous saisit à ce moment précis. Peu de personnes peuvent s’enorgueillir d’avoir eu le privilège de rouler en Royal Enfield dans des lieux presque vierges de toute civilisation.
Ce sentiment d’être seul au monde n’est finalement qu’une illusion. Alors que le soleil se couche, un groupe de jeunes hommes se lance dans une partie de cricket comme partout en Inde à cette heure de la journée. Finalement quelle différence de jouer au cricket dans une sorte d’oasis ou dans un faubourg de Delhi. Ainsi les influences coloniales, les modes, les courant culturels sont donc plus forts et parviennent à franchir les cimes enneigées.
Le retour sur les routes le long de l’Indus se fait alors que l’on est encore habité par une sorte de sérénité que les paysages fantastiques du Ladakh nous procurent. On revient en France fort d’une nouvelle force intérieure et surtout riche d’une expérience unique et rare d’avoir touché, ne serait-ce que quelques jours, les infinis du toit du monde et de la culture tibétaine.
Vintage Rides remercie Laurent Goudet pour ces textes et images, ainsi que pour sa gentillesse en tant que Vintage Rider.
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